Vie du MEDEF

Rencontre avec Fabrice Le Saché, porte-parole et vice-président du Medef

    Fabrice Le Saché, porte-parole et vice-président du Medef, est de passage en Alsace. Invité d'honneur de l'initiative "Osons l'Alternance". Il répond aux question du Medef-Alsace et trace des perspectives. 

     

    Fabrice LE SACHE, on vous retrouve en Alsace, invité d’honneur de l’initiative « Osons l’Alternance ! ». Pour un chef d’entreprise comme vous, pour le Medef, l’Alternance est-elle l’enjeu pour permettre à des jeunes d’intégrer plus efficacement le monde du travail ?

    Fabrice LE SACHE : L’alternance est un puissant levier d’intégration dans le marché de l’emploi. Elle permet d’acquérir des savoir-faire, des expertises, des compétences au plus près de la réalité des entreprises. Elle assure la transmission de connaissances et de modes opératoires qui sont au cœur de l’entreprise, de ses besoins. Elle façonne des parcours professionnels dont on sait qu’ils seront en évolution constante. L’alternance a prouvé, sur le terrain, son efficacité à former des jeunes directement employables : plus des deux tiers des apprentis ont un emploi à l’issue de leur formation dont 60% en CDI. Nous devons accroître très fortement le nombre d’apprentis trois fois moindres que chez nos amis et voisins allemands. Notre retard est évidemment un lourd handicap pour notre économie, plus de 300 000 emplois sont non pourvus, et notre taux de chômage chez les jeunes est inacceptable, plus de 20%. C’est un gâchis inouï. Les trophées de l’alternance sont une excellente initiative pour mettre en lumière cette voie de formation, et je tiens ici à saluer Olivier KLOTZ, Président du MEDEF Alsace, un Homme de convictions, immergé dans les réalités de l’entreprise et qui a toujours défendu de façon extrêmement pragmatique les entrepreneurs et entreprises alsaciennes avec des actions extrêmement concrètes.

    Quel conseil donneriez-vous à un jeune tenté justement par l’alternance pour conforter sa formation ?

    Fabrice LE SACHE : De suivre son instinct et d’ouvrir son horizon car l’alternance n’est pas réservée à quelques secteurs déterminés. Il y a des possibilités d’alternance dans de très nombreux domaines.  L’apprentissage c’est apprendre en situation de travail, dans des conditions réelles en entreprise, à une formation qui délivre au bout à un diplôme du niveau CAP au niveau ingénieur. On peut se former sur tous les métiers par la voie de l’alternance.   Je pense par exemple au CFA numérique qui vient d’ouvrir ses portes à Lyon et porté par le MEDEF AURA. Et je lui dirai qu’aujourd’hui faire le choix de l’alternance c’est faire celui du succès, d’une carrière qui démarrera rapidement, d’une possibilité d’évolution importante

    Vous voilà en Alsace, terre d’Europe s’il en est. A quelques semaines d’échéances importantes, quel est justement le regard du Medef sur l’Europe, les coopérations à renforcer, les harmonisations à affiner avec nos partenaires et ici, voisins ?

    Fabrice LE SACHE : L’Alsace occupe une place importante dans le cœur des français et des européens. Nous sommes extrêmement attachés à ce que Strasbourg demeure un siège actif de nos institutions européenne et un vecteur de la coopération franco-allemande ; pas celle des grandes déclarations, celle du quotidien, celle des entreprises, celles des universités, celle des transports, celle des centres de recherche, et de beaucoup d’autres domaines qui participent à renforcer nos liens croisés.

    Le MEDEF et son Président, Geoffroy Roux de Bézieux, se sont engagés avec beaucoup de vigueur sur l’Europe en lançant une campagne « Merci l’Europe ». Nous voulons exprimer tout ce que l’Europe a pu apporter au quotidien de nos entreprises et qui est trop souvent occulter par une vision caricaturale de l’Europe, par des clichés véhiculés et qui ne correspondent pas à la réalité des avancées que nous avons connu grâce à la construction européenne. Alors certes tout n’est pas rose et nous avons aussi beaucoup d’améliorations à porter. Mais il ne tient qu’à nous de le faire. Je pense par exemple à la politique de la concurrence. La fusion Siemens-Alstom n’a pu devenir réalité en raison de règles de concurrence dépassées. Il faut ouvrir les yeux sur le monde : l’expansionnisme chinois, les pratiques russes, l’extra-territorialité américaine. Il est temps que l’Europe se dote d’une approche de souveraineté économique, ce que soit dit en passant le Président du MEDEF a initié en créant un comité de souveraineté économique et sécurité des entreprises, ce qui constitue un vrai virage dans la doctrine du MEDEF. L’Europe doit également devenir un vrai marché avec une politique fiscal harmonisé et une vraie vision industrielle allant de pair avec la transition écologique. Mais pas l’un sans l’autre. Il faut également penser à l’échelle européenne des sujets qui nous touchent tous comme celui des migrations ou des transformations technologiques. Aujourd’hui aucune entreprise européenne ne figure parmi les 20 premières mondiales du secteur numérique. C’est un motif de préoccupation qui doit nous inciter à faire plus. Il faut bâtir des coopérations comme celle qui a été annoncée sur les batteries. Il y a également matière à renforcer nos efforts sur l’intelligence artificielle, les biotechnologies, les énergies du futur.

    On sait le Medef attaché à la transformation des entreprises, à l’intégration du numérique, notamment mais on sait aussi le Medef attentif aux mouvements sociaux. Le Medef a pris part au Grand Débat. Quel message souhaite-t-il faire passer au Gouvernement ?

    Fabrice LE SACHE : Que notre pays est l’un des plus redistributifs, celui où la dépense publique rapportée au PIB est la plus élevée (57%) mais que paradoxalement le sentiment d’injustice est exacerbé. Cela signifie tout d’abord qu’il n’y a pas d’automaticité entre dépenses publiques et satisfaction des administrés. A ceux qui disent dépensons plus, nous répondons dépensons moins et mieux. Cela signifie ensuite qu’il y a de vrais problèmes de pouvoir d’égalité des chances, de circulation sociale et puis, autant le dire clairement, un vrai sujet de pouvoir d’achat et de fracture territoriale. Sur le pouvoir d’achat le logement et la mobilité sont devenus des dépenses contraintes constantes notamment dans les métropoles pour le logement et dans les zones rurales pour la mobilité. Il faut construire beaucoup plus dans notre pays. La demande et les moyens sont là. Libérons le foncier, accélérons les permis de construire. Action Logement a pris sa part en annonçant 9 Mds EUR pour faciliter notamment l’accès à la propriété. Sur la mobilité il faut réorienter une partie des 8 Mds EUR du versement Transport versé par les entreprises vers les salariés en zone rurale qui n’ont d’autres choix que d’utiliser leur véhicule dans des zones non desservies par des offres de transport collectif. Quant à la fracture territoriale, la désindustrialisation des 40 dernières années a été dramatique pour de nombreuses villes moyennes. Il faut retrouver des modèles économiques. Il faut aller vers une décentralisation plus poussée à la condition d’une règle d’or budgétaire et d’une maîtrise de la fiscalité locale, en explosion constante depuis 10 ans. Cette crise des gilets jaunes née en partie d’un excès de fiscalité doit aboutir à diminuer notre pression fiscale, la plus élevée au monde, sur les entreprises et les ménages. Pour ce faire nous disons clairement à l’Etat qu’il doit rapidement et drastiquement réduire la dépense publique. Les retraites seront un test majeur.

    Parlons toujours de transformation … On sait que le Medef est en pleine réflexion sur l’avenir de la représentation patronale. Vers quel Medef va-t-on ?

    Fabrice LE SACHE : Vers un MEDEF qui se synchronise avec les évolutions du monde qui l’entoure. Un MEDEF de propositions qui est plus ouvert aux parties prenantes, qui dialogue, échange avec son environnement, qui pense le temps long et qui reprend la main dans le débat public. Un MEDEF plus entrepreneurial qui adopte des méthodes de gestion et de gouvernance plus agiles, qui rationalise sa production et les travaux de ses commissions, qui fait sa mue numérique, qui repense sa communication, qui rénove ses évènements. Un MEDEF qui fait une place plus importante aux femmes, aux jeunes dirigeants, qui est pro-européen et qui développe des liens avec l’ensemble de ses homologues internationaux. Je suis certain que le mandat de Geoffroy Roux de Bézieux, avec Patrick Martin, sera celui d’une réforme réussie.